Au Sénégal, les députés se penchent sur le report de la présidentielle dans un climat tendu


Débat incandescent à venir au Parlement. Au lendemain d’une manifestation violemment dispersée à Dakar, les députés sénégalais examinent, lundi 5 février, dans un climat explosif, une proposition de loi controversée sur le report de l’élection présidentielle annoncé par le chef de l’État, Macky Sall.

Le débat s’annonce houleux sur ce texte, qui reporterait le scrutin de six mois maximum et dont l’approbation, qui nécessite une majorité des trois cinquièmes des 165 députés, n’est pas acquise. Le vote est prévu en fin de matinée.

Macky Sall avait annoncé samedi, quelques heures avant l’ouverture de la campagne électorale, avoir signé un décret ajournant la présidentielle qui devait avoir lieu le 25 février. C’est la première fois depuis 1963 qu’une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal, un pays qui n’a jamais connu de coup d’État, une rareté sur le continent.

L’annonce de Macky Sall a soulevé un tollé et fait craindre un accès de fièvre dans un pays réputé être un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, mais qui a traversé différents épisodes de troubles meurtriers depuis 2021.

Le président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, a appelé les Sénégalais à régler leur “différend politique par la concertation, l’entente et le dialogue”, après les tensions et violences provoquées par le report de l’élection présidentielle.

Exprimant sa “préoccupation” sur ce report, il demande aux autorités d'”organiser dans les meilleurs délais les élections, dans la transparence, la paix et la concorde nationale”, dans un communiqué publié lundi matin sur X.

Conflit entre institutions

L’ajournement du scrutin a été annoncé sur fond de conflit entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, qui a validé en janvier vingt candidatures, un record, mais en a rejeté plusieurs dizaines d’autres.

Deux ténors de l’opposition ont été exclus : Ousmane Sonko, en prison depuis juillet, et Karim Wade, ministre et fils de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012).

Karim Wade a remis en cause l’intégrité de deux juges constitutionnels et réclamé le report de l’élection. À son initiative, l’Assemblée a approuvé la semaine dernière la création d’une commission d’enquête sur les conditions de validation des candidatures. Et contre toute attente, des députés du camp présidentiel ont soutenu la démarche.

Ce soutien a aussi nourri le soupçon d’un plan du pouvoir pour ajourner la présidentielle et éviter une défaite. Le candidat du camp présidentiel, le Premier ministre Amadou Ba, est contesté dans ses propres rangs et fait face à des dissidents.

Au contraire, l’anti-système Bassirou Diomaye Faye, dont la candidature a été validée par le Conseil constitutionnel bien qu’il soit emprisonné depuis 2023, s’est imposé ces dernières semaines comme un postulant crédible à la victoire, un scénario cauchemar pour le camp présidentiel.

Report du scrutin à “six mois maximum” ?

Les députés se réunissent lundi pour examiner une proposition de loi déposée en urgence par les partisans de Karim Wade pour reporter la présidentielle de “six mois maximum”.

Un député d’opposition, Ayib Daffé, a assuré sur les réseaux sociaux que des parlementaires du camp présidentiel avaient proposé, lors d’une réunion préparatoire à la séance de lundi, de prolonger d’un an le mandat du président sortant.

L’ajournement de la présidentielle est rejeté par plusieurs candidats de l’opposition, qui ont manifesté dimanche à Dakar contre la mesure. Les forces de l’ordre ont procédé à de nombreuses arrestations, selon des opposants, et dispersé les manifestants à l’aide de grenades lacrymogènes.

L’opposante et ancienne Première ministre Aminata Touré, autre farouche adversaire de l’ajournement, a été arrêtée lors d’un des rassemblements, a indiqué à l’AFP le député d’opposition Guy Marius Sagna.

Selon le code électoral, un décret fixant la date d’une nouvelle présidentielle doit être publié au plus tard 80 jours avant le scrutin. Le président Sall, élu en 2012 pour cinq ans puis réélu en 2019 pour sept ans et qui n’est pas candidat cette fois, risque d’être encore à son poste au-delà de l’échéance de son mandat, le 2 avril.

 

 

 

 

 

AVEC AFP


IZINDI NKURU

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